Compte-rendu de l'événement
NOTA : Ce compte-rendu est principalement basé sur le fil Twitter / X posté par l’association pendant l’événement. |
Le colloque
La première journée des JRRT a eu lieu à l’amphithéâtre de la Maison de l’Innovation et de l’Entreprenariat Étudiant de l’Université de Paris-Est Créteil le vendredi 6 octobre 2023.
Les participants et le public ont été accueillis par des membres de l’association à partir de 8h30.
Peu après 9h, Laura Martin-Gomez, présidente de Tolkiendil, ouvre cette journée par un discours préliminaire.
Guillaume Coissard : Une ontologie des choses imaginaires à partir de Tolkien
Lien Vidéo : [JRRT] Une ontologie des choses imaginaires à partir de Tolkien
Selon Tolkien, le monde secondaire devrait apparaître comme un monde primaire, une alter-réalité, un art elfique.
Maxime Brémond, sur « The New Shadow de J.R.R. Tolkien : suite avortée du Seigneur des Anneaux ou dialogue théologique ? »
Lien vidéo : [JRRT] “The New Shadow” de Tolkien : suite avortée du Seigneur des Anneaux ou dialogue théologique ?
Suite à la relecture de The New Shadow, Maxime Brémond s’est posé la question de savoir quelles valeurs ont les textes posthumes de Tolkien par rapport aux autres. C’est un texte inachevé donc il ne devrait pas être mis dans le légendaire, d’autant que Tolkien lui-même l’a rejeté. Était-ce immoral de le publier ? Édité par Christopher Tolkien, c’est un texte composite, que Maxime Brémond nous résume. Le texte a bien des traits avec le Seigneur des Anneaux, même s’il y a peu de liens directs entre les deux. On observe en particulier des similitudes avec le chapitre 2 de La Fraternité de l’Anneau, « L’ombre du passé » (“A Shadow of the Past” en anglais).
Ce n’est pas une continuation mais un fragment d’introduction. Une partie du texte se veut être une métaphore de l’arbre du mal qui ne cesse de repousser, qui rappelle le Vieil Homme-Saule ou les Huorns. Le dialogue entre les personnages est d’ordre théologique. L’Homme est-il au-dessus de l’arbre, et selon l’arbre l’Homme vaut-il mieux que l’Orque quand il est abattu par lui ? Pour Maxime Brémond, il y a dans The New Shadow une évocation des confessions de Saint Augustin.
En conclusion, ce texte laisse augurer une dramatisation pleine d’enjeux, nouvelle, dans l’âge des hommes, un âge du thriller que Tolkien évoque dans une lettre. A la différence de l’épopée, dans le thriller, le héros n’est jamais sûr d’avoir vaincu. Pour Tolkien c’était l’idée d’explorer la nature du mal provoqué par les hommes et non plus par un Sauron, et c’est aussi ce qui a pu le déprimer et lui faire abandonner le texte.
Adrien Bigué et Emma Serb : « La cape et la bannière - Ouvrages tissés et fils narratifs dans Le Seigneur des Anneaux ».
Lien Vidéo : [JRRT] La cape et la bannière - Ouvrages tissés et fils narratifs dans le Seigneur des Anneaux
Dans le Silmarillion, le tissage représente le destin des personnages, à l’image de la Vala Vairë qui tisse une tapisserie contenant le destin du monde. Le tissage est aussi une image de la narration chez Tolkien avec des entrecroisements entre fils narratifs et épisodiques.
Elisa Bes, sur « Le désespoir comme le fardeau de “devoir faire seul(e)” : Éowyn et Túrin ».
Lien vidéo : [JRRT] Le désespoir comme le fardeau de « devoir faire seul(e) » : Eowyn et Túrin
Quelles relations entre Éowyn et Túrin, éloignés de plusieurs siècles ? Deux personnages très caractérisés par leur désespoir. Deux derniers enfants royaux, avec une très forte responsabilité sur leurs épaules, de leur propre chef. Ils sont aussi marqués par des failles dans lesquelles le mal s’insinue : le chagrin de la perte de Nienor ou de la décrépitude de Théoden, mais aussi la fierté. Ces deux personnages vont chercher à s’extraire de cela, pour retrouver leur valeur aux yeux des autres. Même leurs plus grands exploits (battre Glaurung ou le Roi-Sorcier) ne résolvent rien, ce qui accentue leur désespoir. Toutefois il y a des différences. Túrin est le héros du Silmarillion qui est le récit d’une chute globale à cause de Morgoth. Pour Éowyn, tous les éléments négatifs de son histoire vont participer au bien naissant de la chute de Sauron.
Il y a donc deux impératifs narratifs en complète opposition malgré leurs similitudes. La guérison vient de la possibilité de sortir de soi-même, pour se voir sans filtre : Éowyn grâce à Faramir, Túrin en partie par amour pour Niniel. Mais, pour ce dernier, la malédiction de Morgoth l’enferme dans ce désespoir.
Romain Plichon, « De Minas Tirith à Doullens, Tolkien l’homme des citadelles : pour la patrimonialisation d’un itinéraire militaire ».
Lien vidéo : [JRRT] Tolkien l’homme des citadelles : pour la patrimonialisation d’un itinéraire militaire
Au détour d’une balade dans la citadelle de Doullens, Romain Plichon a été marqué par l’ambiance tolkienienne et en réaction, s’est donc intéressé au passage de Tolkien dans la région de la Somme.
L’itinéraire de Tolkien en France est bien documenté et l’influence de la Grande guerre sur son œuvre bien connue (il cite évidemment le travail de John Garth). Pourtant pour Romain Plichon, la question se pose de savoir si Tolkien est un oublié de la Grande Guerre. A priori, on pourrait se dire que non, pourtant dans les différents lieux mémoriels il n’y a peu ou pas de mention de l’auteur. Lorsque Tolkien est présent, c’est par l’action d’un médiateur culturel, pas d’une action de mise en avant de la part de ces lieux. Romain Plichon a recherché les endroits où Tolkien et son régiment auraient pu s’arrêter un temps pour du tourisme pour les soldats. C’est le cas de la carrière de Naours où l’on trouve des graffitis de noms de soldats. Malheureusement, pas celui de Tolkien… À Vignacourt, ce sont des milliers de photos des soldats britanniques qui sont laissées et remisées. L’analyse des photos est en cours, sans trace de Tolkien pour l’instant. À Bouzincourt, tout comme Naours, ce sont des graffitis qui sont aussi conservés au sein d’un lieu qui pourrait être ouvert au public et utiliser la figure de Tolkien pour faire de la méditation culturelle là où il a passé un très long moment lors de son passage en France. En bref, le projet est de rendre hommage à l’homme pour rendre hommage aux hommes.
Simon Ayrinhac,« Cartes de la Terre du Milieu : qui en est le véritable auteur ? ».
Quelle est la canonicité des 3 cartes présentes dans le Seigneur des Anneaux ?
La signature présente sur les 3 cartes incluses dans le Seigneur des Anneaux n’est pas celle de Tolkien, mais celle de son fils Christopher que Tolkien considérait meilleur que lui pour cela.
Tolkien débute par la carte du Comté, qu’il augmente pour parvenir à une première carte de la Terre du Milieu. En 1943, il charge Christopher et Priscilla de l’aider, notamment pour les cartes. S’ensuivent des versions de cartes du Rohan et du Gondor, puis de nouvelles versions de la carte du Comté et de la carte générale. Christopher fait un travail de synthèse de multiples cartes de son père en 1953. Il la retouche en 1980 pour la parution des Contes et légendes inachevés, et gagne un titre. Toutes ces cartes ne sont pas de Tolkien. Donc quelle canonicité attribuer à ces cartes, notamment au regard des regrets de Christopher Tolkien ? Si Tolkien avait dessiné lui-même, le style aurait été différent (courbes de niveau, carroyage…). La carte de Christopher s’est finalement imposée et est devenue la norme des cartes fantasy. On remonte donc le temps pour étudier la tradition littéraire des cartes. Vers le XVIIIème siècle, les cartes fantastiques et scientifiques se séparent et prennent des codes propres. Par exemple, les cartes dans les ouvrages de William Morris. En 1953, il existait au moins 3 cartes de fantasy connues des Tolkien avec des codes sur lesquels Christopher Tolkien s’est basé. C’est donc bien lui l’auteur des cartes, et non son père.
Marie Bretagnolle,« Rendre visible l’invisible : présences du mal et personnages en voie de disparition dans les illustrations pour J. R. R. Tolkien ».
Lien vidéo : [JRRT] Présences du mal et personnages en voie de disparition dans les illustrations pour Tolkien
L’invisibilité est omniprésente mais sous différentes formes chez Tolkien. Comment les illustrateurs se sont-ils emparés de ce thème?
Dans une première scène choisie, Bilbo est invisible face à Smaug. Le personnage est représenté en ombre dans un nuage, faisant partiellement écho au texte. Les illustrateurs ultérieurs prendront grand soin de respecter au mieux le texte, notamment les jeux de lumière.
Marie Bretagnolle prend l’exemple de David Wyatt où Bilbo est en transition entre visible et invisible. Cette scène est la plus spectaculaire dans l’édition pop-up illustrée par John Howe, où Bilbo est visible pour le lecteur mais invisible pour Smaug. C’est aussi le cas dans la scène avec les araignées qui permet au lecteur de voiler ou dévoiler le héros. Quand c’est Frodo qui chute au Poney Fringant et enfile l’anneau malgré lui, Alan Lee suit la vraisemblance : Frodo n’est pas présent. Quand il s’agit des Nazgûl, il les place hors champ, pour suggérer. A une exception près, celle du Roi-Sorcier face à Éowyn, où on distingue la silhouette du Nazgûl avec seulement des yeux lumineux sans tête visible, sur fond blanc, toujours pour estomper et suggérer. Le vide est aussi présent dans les paysages. Pourtant cette description par l’absence donne le sentiment d’oppression. Cette absence est difficile à rendre en illustration. Les illustrateurs évitent l’écueil en remplissant le vide d’éléments naturels. Même quand les personnages sont visibles, ils sont confondus avec leur environnement. Chaque illustrateur choisit : montrer ou ne pas montrer l’invisibilité. Le porteur de l’anneau tend à être visible même lorsqu’il est invisible, quand les créatures invisibles par nature sont plutôt mises hors champ.
Alberto Fleitas, « Échos du sublime dans l’adaptation cinématographique de la Bataille des Champs du Pelennor ».
Lien vidéo : [JRRT] Échos du sublime dans l’adaptation cinématographique de la Bataille des Champs du Pelennor
Alberto Fleitas a constaté que la scène de la bataille des champs du Pelennor suscite une réaction émotionnelle commune chez le public : cette scène est sublime. Pourquoi cette scène est-elle si captivante et dans quelle mesure peut-on la qualifier de sublime ? Alberto Fleitas présente les théories du sublime et analyse la scène du film au regard de ces différentes théories.
Cette dernière conférence clôture la première journée des JRRT vers 17h30.
La deuxième journée se tient à l’amphithéâtre de la Bibliothèque Buffon (Paris 5ème), et démarre un peu avant 10h.
Denis Bridoux,« L’Hymne à Elbereth et le Namarië »
Lien vidéo : [JRRT] L’Hymne à Elbereth et le Namarië)
Dans Le Seigneur des Anneaux, il existe une série de poèmes dont le Namarië fait partie, qui montre une tradition religieuse chez les elfes, mais qui selon Tolkien reste largement ignorée des critiques, du moins de son vivant. Dans The Road to Middle-earth, il clarifie mais uniquement partiellement cette tradition mythopoétique-religieuse. Varda y est bien vénérée, ses labeurs qui sont évoquées rappellent le labeur de l’enfantement opposé aux “travaux” des autres Valar. Il y a de la part des elfes un rapprochement entre les étoiles qu’ils vénèrent et les fleurs. Une représentation hautement symbolique pour Tolkien, qu’il évoque dans “Du Conte de Fées” mais qui remonte à ses premiers textes. Évocation même dans des dessins dans les années 1960, d’étoiles fleurs. Les étoiles sont aussi une armée créées par Varda pour faire fuir l’Ombre, la peur de la mort : Elenath, l’Ost des étoiles. L’hymne est donc un chant de fleurs et de lumière, qu’on retrouve aussi dans le cri de Frodo lorsqu’il brandit la Fiole de Galadriel.
Damien Bador, « Les révisions du Seigneur des Anneaux au travers du poème Namarië »
Lien vidéo : [JRRT] Les révisions du Seigneur des Anneaux au travers du poème Namarië
Le Namarië a fait évoluer le quenya et le sindarin pour Tolkien car il s’agit du plus long poème en elfique existant. Il existe 7 versions, mais seules deux ont été publiées à ce jour, celle du Seigneur des Anneaux et un brouillon dans The Treason of Isengard.
Damien Bador propose un exemplier pour résumer les évolutions de ces variantes (vous pouvez télécharger le fichier PDF). Deux variantes de celle de The Treason ont été publiées par David Salo en 1998. Elles auraient été écrites par Christopher Tolkien sous la supervision de son père et sont les évolutions commentées par Damien Bador. Il complète son analyse avec la version publiée dans la première édition du Seigneur des Anneaux en 1954, différente de celle la plus connue et désormais présente dans le roman, qui date de 1966. Il y a plusieurs types de révisions au long de ces versions : allongements vocaliques, longueur des voyelles, désinences, évolution du vocabulaire, etc.
Raphaël Vaubourdolle, « L’héraldique chez Tolkien : catalogue et usages des armoiries en Arda, de l’Ainulindalë à l’aube du Quatrième Âge ».
Lien vidéo : [JRRT] L’héraldique chez Tolkien
Généralement on connaît bien l’héraldique humaine et elfique, au 3ème Âge. Moins pour les orques ou les nains, voire quasiment rien pour les hobbits. Cette connaissance est toujours extradiégétique.
Là, Raphaël Vaubourdolle s’intéresse à la manière intradiégétique. De façon interne, l’héraldique a été inventée par les Elfes avec des règles bien définies. Les règles passent aux hommes mais deviennent de plus en plus figuratives jusqu’au 3ème Âge, où ils sont semblables aux blasons que l’on peut retrouver dans notre réalité.
Leurs fonctions sont d’abord militaires, avec des porte-étendards, des boucliers ou casques armoriés, et des cimiers de plume. Mais ils ont aussi un usage civil, comme pour les sceaux notamment avec l’exemple de Melian. Cela peut également être un signe d’autorité comme avec les différents étendards trônant successivement en haut de Minas Tirith. Chaque armoirie est porteuse de sens : les Silmarils apparaissent au centre du blason de Fëanor par exemple. Celui de Beren est un véritable CV : la main perdue, le Silmaril volé, les trois monts du Thangorodrim, etc. Il existe aussi des armoiries parlantes : Gil-galad, étoile rayonnante avec un blason d’étoiles. Il n’y a pas de transmission, mais des armoiries de famille, sauf dans de rares cas : l’azur semble par exemple associé aux Noldor, les flammes sont présentes chez Finwe et ses fils. Elles peuvent toutefois être transmises par des objets : l’anneau de Felagund possède son blason, et c’est l’objet qui sera transmis. Raphaël Vaubourdolle conclut avec un petit appendice sur l’héraldique hobbite : pas de bannières mentionnées pour le Comté lors des quelques batailles hobbites, peut-être sont-elles considérées comme des mathoms remisés dans les musées ?
Paolo Pizzimento, « Rings of Smoke: Pipe-weed, Pipes, and Smoking Imaginary in J.R.R. Tolkiens’s Narrative ».
Lien vidéo : [JRRT] Rings of Smoke: Piwe-weed, Pipes, and Smonking Imaginary in J.R.R. Tolkien’s Narrative
Tolkien lui-même était très amateur de pipe et il a intégré cela dans son œuvre. D’abord il faut savoir qu’il n’avait pas qu’une seule pipe ni qu’une marque préférée. Dans les films, les pipes sont très variées, mais semblables comme si elles venaient du même magasin (et c’est formellement le cas). Ce n’est évidemment pas le cas des pipes réelles, comme celles des soldats britanniques de la Première guerre mondiale, très bien caractérisées. Vers 1640, elles sont longues pour éviter la fumée mais aussi jetables et proposées à tous dans les auberges. On devait casser le bout pour fumer la pipe qu’un autre avait utilisé auparavant. Dans Le Hobbit, la pipe de Bilbo est très longue (jusqu’à ses pieds) et il fait des ronds de fumée avec, ce qui est bien représenté dans le dessin animé de Bakshi. Ces pipes correspondent à la période du XVIII-XIXe siècle, dont s’inspire le Comté. Pourquoi donc ne sont-elles pas correctes dans les films et à qui la faute? Chez Tolkien on trouve aussi des allumettes et des briquets à silex. En bon cuisinier, Sam en emporte avec lui vers le Mordor. Malgré le texte sur l’herbe à pipe présent dans le Seigneur des Anneaux, on ne peut pas dire quel type de tabac est utilisé par les hobbits. Tolkien n’utilise pas le terme “tobacco” mais “pipe weed”. Et évidemment, il ne fait aucune référence aux drogues, à la différence des films (Radagast).
Enzo Le Guiriec, « L’état des lieux de la recherche japonaise autour de Tolkien depuis l’après-guerre ».
En 1965, c’est la première traduction du Hobbit, en 1972-1976 la première traduction du Seigneur des Anneaux en japonais. Au Japon, le XIXe est une période d’ouverture au monde et d’émulsion notamment dans le domaine de la littérature, avec une tendance importante à la traduction d’œuvres occidentales. Des groupes de chercheurs et des maisons d’édition traduisent en plus un corpus complet. Ces tendances continuent au début du XXe ce qui va permettre une redéfinition de l’identité japonaise. Seta Teiji va s’intéresser, en tant qu’auteur et traducteur, à la littérature jeunesse, un genre qui n’était pas défini à cette époque. Il traduit Tolkien mais aussi Lewis et a été primé de nombreuses fois. Aujourd’hui encore c’est sa traduction qui est publiée. Mais pour le Hobbit, il y a eu deux maisons d’édition qui l’ont traduit et publié, toutes deux sur la base de la version anglaise de 1951. Les différences sont sur certains termes et les illustrations. Les illustrations de Terajima Ryuichi influencent l’imaginaire visuel japonais. Par contre, il y a eu une polémique sur des problèmes de traduction, en particulier les onomatopées, les patois japonais utilisés et la représentation sociale. Il n’y a pas non plus de rimes dans les poèmes, et une suppression des verbes au profit des adjectifs. Les personnages néfastes vont avoir des attributs et les bons des actions. Toutefois,des runes et des tengwar sont conservés, ce qui participe de l’exotisme de Tolkien au Japon. Cette première traduction est le reflet d’une époque qui a influencé la culture littéraire et filmique fantasy en tant que genre, au Japon.
Antonin Segault, « Le fandom de Tolkien dans les encyclopédies en ligne francophones ».
Lien vidéo : [JRRT] Le fandom de Tolkien dans les encyclopédies en ligne francophones
Les fans reproduisent la manière encyclopédique pour des mondes fictifs. Son corpus d’étude est constitué de 6 encyclopédies francophones : les Archives du Gondor, la Montagne du Destin, TolkienFrance, Tolkiendil, Lotr Fandom, Wikipédia.
Première question : quels sont les champs couverts par ces fandoms ? et quels choix de canonicité ?
Antonin Segault propose un tableau de couverture des personnages et des lieux selon ces encyclopédies. Il y a une frontière entre ce qui est créé par Tolkien et le reste : c’est un choix éditorial revendiqué, présent dans toutes les encyclopédies.
Les ouvrages aussi n’ont pas le même niveau de canonicité : le Silmarillion diffère des Contes perdus par exemple. Le point de vue aussi est dépendant de l’encyclopédie : quelle place du monde réel ou du monde fictif ? Certaines encyclopédies ont des approches hybrides avec parfois une double entrée interne/externe. La couverture d’une encyclopédie résulte d’une combinaison de critères d’inclusion acceptables par les auteurs de celle-ci. Le projet collaboratif va alors brouiller les interprétations individuelles et créer une fusion.
Vivien Feasson, « La retraduction du Silmarillion ».
Lien vidéo : [JRRT] La retraduction du Silmarillion
On commence par un rappel des dates de publication des traductions des trois œuvres principales de Tolkien en France. Le Silmarillion est très différent du Seigneur des Anneaux dans son traitement. Pierre Alien, le premier traducteur, n’aime pas travailler dessus. Daniel Lauzon est un ancien webmaster d’un site sur Tolkien avant de devenir traducteur : il est l’extrême opposé d’Alien, car spécialiste qui va s’efforcer de donner une nouvelle image du roman. Double problématique pour lui : Le Silmarillion est une œuvre complexe qu’on doit ouvrir à un public large, ce qui lui offre un travail similaire à celui de Christopher Tolkien. Les archaïsmes sont vantés par Tolkien car ils donnent un éventail plus large pour traduire sa pensée. Dans le Seigneur des Anneaux, il y a peu de travail sur les archaïsmes, malgré une modernisation par rapport à Ledoux et une meilleure dynamique du texte. Sur les noms propres dans le Silmarillion, Alien ne maintient pas forcément la cohérence. Le terme archaïque “Hither” est traduit à l’opposé de sa signification par Alien. Chez Lauzon, on répond à l’archaïsme lexical de Tolkien. On utilise aussi chez les deux des collocations lexicales : “à Lorien” chez Alien, “en Lorien” chez Lauzon. Chez Lauzon, il y a aussi beaucoup de subjonctif passé pour créer de l’archaïsme. Les deux utilisent des inversions locatives mais qui peuvent provoquer des erreurs, notamment chez Alien. Enfin de la parataxe en anglais cette utilisation du “and”, “but”, etc qui disparaît chez Alien, mais reste chez Lauzon, bien qu’il en supprime une partie. Alien tend vers la fluidification en supprimant les points virgule. La nouvelle traduction de Daniel Lauzon n’est pas forcément une modernisation, mais un moyen d’emmener les lecteurs vers Tolkien et ses archaïsmes, malgré les écueils potentiels.
Vivien Stocker, Marie Bretagnolle, Pauline Loquin, Laura Martin-Gomez, “L’œuvre de Tolkien en France.”
Le but de la discussion est de discuter et d’offrir la parole au public, qui est au cœur des JRRT, telles qu’elles ont été conçues.
Pour faire un point des traductions de Tolkien : 25 à 30 ouvrages traduits, avec un début en 1969 par Ledoux, et celle de 1973 du Seigneur des Anneaux. A partir de 2012, entreprise de retraduction avec deux inédits pour les années à venir (La défaite de Sauron et la Chute de Númenor). Pauline Loquin parle de son travail de retraduction / révision avec les différences : il s’agissait pour Tina Jolas d’harmoniser avec la nomenclature de Lauzon, ainsi que retravailler certains thèmes. Le travail d’index a nécessité une recherche importante. Il y avait aussi un travail sur les cartes, notamment de l’Atlas de Karynn Wynn Fonstad.
Marie Bretagnolle nous signale qu’il y a eu des illustrateurs français pour les versions françaises du Hobbit et du Seigneur des Anneaux, mais ces derniers maintenant sont toujours illustrés par Alan Lee ou John Howe. Elle est en attente d’un projet d’illustration différent comme celui de Jemima Catlin, mais qui a déjà plus de 10 ans. Marie évoque des souvenirs émus de la lecture de Daniel Lauzon, notamment du chapitre “Ragoût de lapin aux herbes”. Elle montre que les artistes s’emparent des textes fragmentaires et que ces derniers ne s’interrogent pas sur le fait qu’ils étaient complets. Alan Lee ne voit aucune différence entre la prose et le vers, parce qu’il cherche l’histoire à illustrer.
Quelles sont les opinions du panel sur l’entreprise de la retraduction ? Un bref rappel historique : il s’agit d’un projet de longue haleine depuis le début des années 2000 de reprise de Ledoux, c’est l’intérêt d’un travail collectif, qui a duré longtemps, et repris par la suite. Rappelons que Francis Ledoux a traduit l’oeuvre alors qu’il n’avait reçu qu’une édition en un volume du Seigneur des Anneaux, avec notamment une absence des appendices, excepté le Conte d’Aragorn et d’Arwen, il n’avait pas non plus toutes les cartes en main, il y avait donc besoin d’un renouvellement complet. Il s’agit aussi d’une question d’offre éditoriale au lecteur : la multiplicité des traductions permet d’apprécier l’œuvre à travers des regards différents, ce n’est pas un moyen d’oublier la précédente. La question de la re-traduction des aventures de Tom Bombadil (retraduit en 2003) est aussi évoquée.
En deuxième temps, la table ronde aborde la question de la réception de la traduction par le lectorat. En 1973, le Seigneur des Anneaux a reçu le Prix du Meilleur Livre étranger traduit en français, en 2003 plusieurs centaines de milliers de volumes parus. Selon la maison d’édition Bourgois, Tolkien représente 5 à 7 % des ventes de l’imaginaire en France. Il y a l’idée d’un public qui redécouvre Tolkien de façon cyclique, notamment de façon médiatique, alors que pour le lectorat cette réception est complètement continue et importante avant les années 80. Il y a un effet générationnel : comment est-ce qu’on intègre les nouvelles générations en fonction de leurs intérêts? Une transmission assez importante, familiale, de l’œuvre de Tolkien. Quand les fans ont des enfants, ils leur lisent l’œuvre à haute voix : c’est l’héritage de la passion qui se construit. Les découvertes de Tolkien sont entre les films et les livres (avec notamment des parents et des transmissions par des professeurs.)
Tolkien était autrefois, dans certains milieux socio-culturels, perçu comme de la “sous littérature”, mais les mentalités changent, notamment grâce aux travaux universitaires, ainsi qu’à l’augmentation des publications “sérieuses”. L’œuvre devient transmédiatique au fur et à mesure des adaptations (musique, jeux de rôle, films), qui deviennent de plus en plus importantes.
Cela amène la discussion au sujet des adaptations. En ce qui concerne l’iconographie, cela va notamment des fanarts aux professionnels, souvent inspirés des films avec la “sainte-trinité” (Lee, Howe, Nasmith). Pour le calendrier 2022, Harper Collins a fait appel à des artistes non-professionnels ou moins connus, notamment Jenny Dolfen. La retraduction de Daniel Lauzon change-t-elle la manière de se représenter les personnages ? Les représentations des personnages sont plus ou moins fortes selon la précision de la personnalité des personnages et de l’empreinte qu’ils laissent.
Quel futur pour les éditions de Tolkien, deux titres à venir ont été mentionnés. Est-ce que cela augure de bonnes choses pour les prochaines années ? La recherche universitaire augmente, avec des formations dirigées par Vincent Ferré et Anne Besson, ou d’autres. Joël Merriner est aussi mentionné, notamment pour ses travaux. Plusieurs étudiant(e)s ont commencé des travaux sur Tolkien.
La soirée
Après le colloque, l’événement se poursuit par une soirée “anniversaire” aux Caves Alliées.
La cave du bar a été décorée pour l’occasion, un musicien se charge de créer une ambiance sonore féérique, nous proposons quelques jeux et un quiz pour agrémenter la soirée.
Nous nous sommes régalés avec les plateaux proposés par le bar et avec le gâteau commandé pour l’occasion.
La journée d’animations
Le dimanche 8 octobre, nous avons proposé des animations au 2ème étage de la librairie La Mouette Rieuse de 11h à 18h30. Nous y avons tenu un stand avec nos petits jeux habituels, mais il y a aussi eu un atelier de calligraphie elfique le matin, ainsi que des sessions de jeux de plateau le matin et l’après-midi, et un jeu de rôle l’après-midi.